Pourquoi ne pas s’approcher d’un mosh-pit quand on est aveugle
Je sens plus mon nez
un aveugle qui s’est approché d’un mosh-pit

L’histoire commence comme beaucoup d’autres : un concert, une foule en délire, une musique rapide, bruyante et parfaite. C’est dans ce décor que Kevin, 27 ans, passionné de punk hardcore et non-voyant depuis l’adolescence, s’est retrouvé face à une décision cruciale.
« Pourquoi pas moi ? » s’est-il dit en entendant son pote lui hurler à l’oreille :
— « Vas-y mec, y a un putain de mosh-pit devant, ça va être DANTESQUE ! »
C’était une phrase qui aurait dû être suivie de réflexions. De prudence. De recherches préalables sur les lois de la physique et de la biomécanique appliquées aux concerts. Mais Kevin était un homme de principes. Il ne voulait pas qu’on le traite différemment. Il voulait vivre le moment à fond.
Le premier impact
Dès qu’il a mis le pied dans la fosse, Kevin a compris qu’il avait fait une erreur.
D’un seul coup, il a ressenti une force inconnue le projeter en avant. Était-ce un pogo ? Un coup d’épaule accidentel ? Un simple changement dans la tectonique des plaques sous ses pieds ? Impossible à dire. Toujours est-il qu’il s’est retrouvé catapulté au cœur du chaos, les bras ballants, le cerveau en mode « analyse de la situation en cours ».
C’est là que son corps a eu un réflexe de survie parfaitement inutile : s’accroupir.
S’accroupir dans un mosh-pit, c’est comme tenter de faire une pause pipi au milieu d’un marathon : les autres ne vont pas s’arrêter pour toi.
La chute et la solidarité de la fosse
En moins d’une seconde, Kevin était au sol.
Mais le punk hardcore a ceci de beau : il y a un code d’honneur. Tomber n’est pas une fatalité, tant qu’on a des gens prêts à vous relever. Deux bras inconnus l’ont attrapé avec une rapidité impressionnante, le hissant en l’air comme une offrande aux dieux du bruit. Kevin n’a pas eu le temps de comprendre qu’il était déjà porté au-dessus de la foule.
C’est ainsi qu’il a découvert, par la force des choses, un phénomène qu’il n’avait jamais vraiment envisagé : le crowd surfing non-consenti.
L’expérience sensorielle extrême
Porté par des bras anonymes, Kevin a perdu toute notion de haut et de bas. Son ouïe ultra-affûtée ne lui servait à rien : entre les cris, la guitare saturée et la batterie qui frappait comme un cœur sous cocaïne, il était incapable de comprendre où il allait atterrir.
Et il a atterri. Sur un vigile.
Le vigile, un homme de 100 kilos, a réagi comme n’importe quel vigile réagirait quand un être humain lui tombe dessus : il a tenté de l’attraper avec l’élégance d’un CRS en mission. Kevin a donc fait ce que tout être normalement constitué aurait fait : il s’est laissé totalement faire, et a fini par retrouver le plancher des vaches, dans un état second.
La leçon de l’histoire
Assis par terre, haletant, Kevin a rigolé. Ses potes aussi. Le vigile, beaucoup moins.
Alors, pourquoi ne faut-il pas s’approcher d’un mosh-pit quand on est aveugle ? Parce que Kevin s’en souviendra toute sa vie. Parce que la gravité ne fait pas de distinction entre les personnes valides et les autres. Parce que le chaos organisé du pit repose sur l’anticipation visuelle, sur la lecture des mouvements, sur l’art subtil de savoir quand esquiver un coup de coude bien placé.
Kevin a survécu, certes. Mais Kevin ne recommande pas l’expérience.
Et si un jour vous croisez quelqu’un qui hésite à entrer dans la fosse en disant : « Bah quoi, qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? », racontez-lui l’histoire de Kevin. Ça peut lui sauver la vie.
See you in the pit. 🔥